Le Traité de Jacques Gélu sur la Pucelle…

Il faisait sombre, très sombre, en ce premier quart du quinzième siècle, sur l'horizon de l'Europe. Trois papes se disputaient la tiare : la chrétienté ne savait plus où était le vicaire du Christ. Deux prétendants se disputaient le trône de France : le fils de Charles VI, Charles, dauphin de France et le gendre de Charles VI, Henri V, Roi d'Angleterre.

A l'écart de l'Empire germanique en décadence, deux puissances, sur terre, retenaient, par tradition séculaire, les regards des hommes : c'était la chaire de Saint-Pierre,; c'était, en France, le trône de Saint Louis. Et des doutes se prolongeaient, des doutes s'appesantissaient : cette chaire, à qui appartenait-elle ? Ce trône, à qui appartenait-il ? L'unité catholique était compromise, et compromise aussi l'unité française.

Dans cette redoutable crise, un humaniste, un juriste, devenu sur le tard prêtre et théologien, Jacques Gélu, s'illustra par l'efficacité de son rôle pacificateur, unificateur.

Jacques Gélu, sa formation théologique :

Dans un manuscrit de la bibliothèque de Tours, contenant les Décrétales et les Constitutions de six papes du treizième siècle, Jacques Gélu, alors qu'il était archevêque de cette ville, inscrivit, sur quelques feuillets demeurés blancs, la suite et la date des principaux événements de sa vie jusqu'en 1421. Un paragraphe, concis et net, scande chacune de ces dates; et chacun de ces paragraphes s'achève en un cri de gratitude à l'endroit de la Providence, cette gratitude, et cette autobiographie, remontent à l'année 1391 : "Moi Jacques Gélu, clerc né à Yvoy, ville du diocèse de Trêves, ai été reçu le second en 1391 maître ès arts à l'université de Paris dans une première assemblée tenue à Sainte Geneviève, avec l'aide du Seigneur qui rend savante la langue des enfants; que son nom soit loué et glorifié dans les siècles."

Et voici d'autres paragraphes, consacrés au baccalauréat ès décrets, où il a réussi "par la volonté de Dieu"; à la "licence ès lois", qu'il a passée à Orléans "par la volonté du Seigneur". Au début de son enseignement juridique dans les grandes écoles de Paris, "par la grâce de Celui qui accorde la sagesse et la science", à sa nomination de maître des requêtes du duc d'Orléans, "par l'influence de Celui qui dispose à son gré du cœur des Rois et des princes", à sa victoire sur quatorze concurrents pour le poste de conseiller au Parlement, "par la grâce de Celui qui récompense le travail et dont la miséricorde est éternelle", à sa nomination de président du Conseil Delphinal, de maître des requêtes, de général des finances, "par la grâce de Celui qui est dispensateur de tous biens, par la grâce du Très-Haut de qui tout bien procède".

Cette histoire de Jacques Gélu racontée par lui-même, c'est l'histoire des bienfaits de Dieu envers Jacques Gélu. C'est une profession de foi et c'est une profession de reconnaissance; ce curriculum vitae a déjà l'accent d'un Te Deum. Et lorsque cette notice biographique atteint l'année 1414, elle prend l'ampleur d'un hymne :"Le Seigneur, s'écrie alors Jacques Gélu, voulant, dans sa bonté, me gagner par ses bienfaits, moi son très indigne petit serviteur, dépourvu de toute vertu et de tout mérite, me prévint par sa bonté et sa grâce et répandit sur moi une si grande effusion de sa douce bienveillance que, par sa volonté, je fus nommé, le sept novembre de la dite année, archevêque de Tours, en présence de dix-sept cardinaux, dans la ville de Constance, en Allemagne, où le concile se trouvait pour lors assemblé...

Béni soit à jamais le nom du Seigneur Dieu dont je ne pourrai jamais reconnaître les immenses bienfaits qu'en le bénissant en tous temps et en ayant toujours sa louange sur mes lèvres... Je tiens pour certain que je n'ai rien fait qui mérite ces faveurs, elles m'ont donc été accordées par pure libéralité et grâce de Dieu. Que le Très-Haut, principe et fin de toutes choses, auquel soient, dans les siècles des siècles, l'honneur, la gloire, l'empire, la louange et la Majesté, daigne m'accorder une fin conforme à ces commencements."

Il a le sentiment aigu des orientations divines qui commandèrent sa vie scolaire, sa vie parlementaire, sa vie de haut fonctionnaire, sa vie d'homme d'Église; il semblerait même, à l'entendre, que ses ambitions, loin de prendre les devants, n'ont fait que s'acheminer d'un pas docile vers les étapes successives d'avance marquées par Dieu. On sent qu'il aimerait à tirer, du récit même de son propre passé, une défense et illustration du dogme de la Providence. Évidemment, ce dogme obsède sa pensée : c'est là un trait essentiel de sa psychologie : nous y reviendrons; car j'ose croire qu'il dut à cet état d'esprit, disons mieux, à cet état d'âme, l'originalité même des intuitions qui lui permirent de saisir en toute sa plénitude, en toute sa prodigieuse portée, l'épisode capital de son temps, l'apparition de Jeanne d'Arc.

De 1414 à 1417, Jacques Gélu travaille, surtout, pour l'unité de la chrétienté; en 1417 le succès est atteint et dès lors, c'est vers le rétablissement de l'unité française que tout son labeur est tendu, toutes ses pensées orientées.

Jacques Gélu, un fin politicien :

L'empereur Sigismond charge Jacques Gélu de prendre la tête de l'ambassade du Concile qui s'en allait de Constance jusqu'à Perpignan pour demander à l'antipape Benoit XIII, vainement d'ailleurs, sa démission, comment les prélats de la nation française, chargés de désigner quelques-uns d'entre eux pour qu'ils fussent avec les cardinaux les électeurs du nouveau pape, désignèrent, comme le tout premier d'entre eux, Jacques Gélu.

Comment, dans cette assemblée électorale qui mit fin au grand schisme et d'où le cardinal Colonna sortit pape sous le nom de Martin V, huit voix se portèrent sur Jacques Gélu lui-même et comment, en toutes ces conjonctures, il fut un de ceux qui ménagèrent à l'orageuse chrétienté le resplendissement définitif d'un arc-en-ciel durable, dans une atmoCroix rassérénée. Ainsi s'achevait, en l'année 1417, la première moitié de l'action historique de Jacques Gélu. L'Église, désormais, n'avait qu'un seul chef.

Mais sur l'horizon de la France, tout au contraire, les ténèbres s'accumulaient. Comment, sur cet autre terrain, Jacques Gélu besogna pour le Roi légitime, et pour le salut national, et comment sa pensée théologique, en prêtant aide et renfort à Jeanne d'Arc, s'inséra dans l'histoire même du relèvement de la France ?

Favorable au Dauphin Charles, il l'était notoirement dès 1418, puisque cette année-là, au mois de juin, les Bourguignons, devenus maîtres de Paris, ayant forcé le dauphin de s'en exiler, et puis ensanglanté la cité par de nombreux massacres, faillirent faire à Jacques Gélu lui-même un fort mauvais parti. Ils lui reprochaient de vouloir être dans Paris, comme légat du pape, un artisan d'harmonie. "Je parvins cependant, raconte-t-il, à m'échapper des mains des hommes impies", et il remerciait aussi chaudement Dieu de lui avoir, ce jour-là, sauvé la vie, que de la lui avoir jadis donnée.

Six mois plus tard, il quittait son archevêché de Tours, et par mer s'en allait en Espagne pour réclamer du Roi de Castille qu'il mît au service du dauphin vingt galères et soixante gros navires, avec des marins payés pour trois mois et pourvus de vivres pour quatre mois. Ainsi servait-il la cause du dauphin Charles, tantôt au nom du Pape, tantôt au nom du dauphin lui-même. En la personne de celui-ci s'incarnait, pour lui, l'idée même de paix.

Le traité de Troyes, en 1420 faisait du futur Charles VII une épave : son père Charles VI le déshéritait, prenait Henri V pour gendre, et d'avance transmettait à ce gendre sa couronne. Ayant été au premier rang parmi les pacificateurs de l'Église, et la tiare même ayant frôlé sa tête, Jacques Gélu sentit en son cœur ce ferment d'audace mise au service de la justice…

Une lettre, signée de lui, va trouver Henri V lui-même.
Il invite le monarque à considérer la fragilité de nos vies, autant chez les grands que chez les petits. Il veut le faire méditer sur le jugement que doit subir celui qui occasionne tant, de meurtres, et de violements de femmes, et de ravages. Il lui remontre le respect qu'il doit au sang du dauphin, dont il a épousé l'une des sœurs.

Pour mes ambitions et prétentions, dira peut-être Henri V, j'ai le consentement du Roi Charles VI, le consentement de la reine Ysabeau et le consentement des princes. Jacques Gélu prévoit l'objection et il la brise : Le Roi Charles est incapable de se conduire, la reine Ysabeau est fragile et susceptible de tout plein de mauvaises impressions. Les princes n'ont nul droit de disposer de la couronne qui appartient à autrui.

Et il exhorte le Roi d'Angleterre à écouter la raison, à se soumettre aux lois de la justice.

Henri V demeure sourd et passe outre. Mais laissez s'écouler quelque temps, la première ligne de cette lettre, celle qui parlait de la fragilité de la vie, sera vérifiée par certaine fistule qui, à la fin d'août 1422, mit un terme à la vie d'Henri V au cours de sa trente-quatrième année. Le Roi d'Angleterre avait répudié les conclusions de la lettre de Jacques Gélu, mais le prologue de cette lettre était justifié par son trépas.

Moins de deux mois après, Charles VI à son tour succombe et Charles VII (celui qui aurait dû être Roi de France) est réduit à devenir "le Roi de Bourges".

Là-bas à l'ouest, la fidélité du duc de Bretagne est toujours intermittente, toujours chancelante. Solennellement, à Alençon, il viole ses obligations et promesses à l'endroit de Charles et fait accord avec le Roi d'Angleterre.

D'un bond, Jacques Gélu court à Redon, il voit le duc :
Je ne peux plus révoquer mon accord, lui dit en substance celui-ci, et d'ailleurs mes barons sont tout prêts à le signer, à le sceller. Les Anglais sont à mes portes, je n'ai plus de munitions de guerre, ni de gueule. Je ne peux guerroyer contre eux.

Laissez-moi aller à Rennes, lui demande Jacques Gélu, je me présenterai à vos seigneurs, à vos barons, pour les "ramener à entendre le droit et à donner entrée à la raison,
ce qui voulait dire à reprendre avec leur duc le parti du Roi de France. Le duc reste raide, inflexible en son intention, ainsi que l'écrit Jacques Gélu au dauphin Charles, de tourner sa voile du coté, non de la justice, mais du bon vent.

Mais Jacques Gélu ne se décourage point. Cette très noble et très renommée nation de Bretagne qui est en train de se mal comporter, ne relève-t-elle pas de sa métropole de Tours ? A l'insu du duc, il adresse à Très nobles et puissants et honorés seigneurs, nos seigneurs les barons de Bretagne, une lettre pressante.

Votre duc, leur dit-il, agit contre l'honneur : si l'on transgresse les règles de l'honneur, on fait un chaos en ce beau monde. Il n'est ni équitable, ni honnête, ni honorable de vouloir, furtivement, clandestinement et par surprise, dépouiller le dauphin Charles après l'avoir reconnu et rendre des soumissions à l'ennemi juré de ce dauphin. Comment votre duc peut-il voir son épouse sans se souvenir qu'elle est la propre sœur du dauphin Charles ? Comment ne se rappellerait-il pas que celui-ci lui a donné la ville de Saint-Malo et que le dauphin Charles, encore, a honoré la nation bretonne de charges, d'offices, de dignités et de faveurs fort signalées ?

Le cœur des Bretons, continue-t-il, n'est pas si marbré ni tant insensible qu'il puisse oublier tant de bienfaits. Jacques Gélu est un bon humaniste, il cite Sénèque, il cite Salluste, en vue de réveiller chez les barons tout ce qu'il leur faut de courage pour demeurer, eux et leur duc, loyaux et féaux. Mais leur parti est pris, Jacques Gélu, Sénèque et Salluste, n'obtiennent rien.

La situation du royaume va s'assombrissant et Jacques Gélu continue de l'observer. Lorsque l'année 1427 l'enlève au siège de Tours pour le faire s'asseoir sur celui d'Embrun, il ne perd pas de vue le Val de Loire et le Val de Seine, Poitiers et Bourges, Orléans et Paris. Le coup d'œil qu'il jette d'Embrun, sur ces régions où se joue la destinée française est anxieux et douloureux. Il consignera lui-même par écrit, plus tard après la victoire de Jeanne d'Arc, les impressions qu'il éprouvait aux alentours de 1428 lorsque de son observatoire alpin il regardait le pays de France.

La terreur, écrira-t-il, s'était emparée des partisans du dauphin Charles, nobles et princes du sang. Plusieurs de ces princes faisaient hommage aux Anglais. D'autres, sous divers prétextes, lui extorquaient une partie des domaines qui lui restaient. On en voyait qui le spoliaient de ses revenus et de ses finances, quelques-uns allaient semant dans le royaume entier des calomnies propres à le rendre odieux. Ces fléaux montèrent à un tel degré qu'il n'y avait presque plus personne qui fît cas de ses ordres. Princes et seigneurs, perdant toute espérance, se retiraient de son autorité et se déclaraient indépendants dans leurs domaines. Il était passé comme en maxime que du pays de France chacun pouvait prendre tout ce qu'il pouvait conquérir et garder.

Le Roi était réduit à une telle détresse qu'il manquait du nécessaire, non seulement pour sa maison, mais aussi pour sa personne et pour celle de la reine. Rien n'autorisait à penser qu'un bras d'homme pût le remettre en possession de ses États.

Le Roi ne pouvait plus puiser de finances dans son propre trésor. Celles que lui fournissaient ses sujets restaient l'objet de dépréciations sans fin. Abandonné, sans l'appareil convenable à sa dignité, il ne savait pas d'où pourrait, lui arriver le secours.

Le Roi, dans ce dénuement de tout appui humain, dépouillé par la cupidité des siens, montrait grande patience et très ferme espérance en Dieu. Nous avions appris qu'il avait spécialement compté sur les prières et les aumônes, allant dans sa générosité jusqu'à vendre ses joyaux et le reste de sa fortune d'autrefois.

Jacques Gélu est informé de l'arrivée de la Pucelle :

Telle demeurait la situation, décrite par Jacques Gélu lui-même, lorsque au printemps de 1429, deux de ses correspondants, Jean Girard président au parlement de Grenoble et qui succédera à Gélu sur le siège archiépiscopal d'Embrun, et Pierre l'Hermite conseiller intime du dauphin Charles et chanoine de Tours, lui faisaient parvenir de bien curieuses nouvelles. Ils parlaient d'une pucelle de seize ans, nourrie parmi les moutons, présentée au dauphin par certains gentilshommes et messagère de bons présages.

Elle était sobre et tempérante et chaste, elle se confessait et communiait chaque semaine et les théologiens, spécialement trois professeurs, après l'avoir examinée sur la foi, sur le sujet des sacrements et sur celui des mœurs, auguraient qu'il y avait là "une merveille procédée de l'Œuvre de Dieu". Et Jean Girard évoquait à son propos le nom de Débora, le nom de Judith, le souvenir des Sibylles.

La grande prudence de Jacques Gélu :

Jacques Gélu, dans sa lointaine résidence se montra d'abord fort circonspect. Il répondit à Jean Girard et à Pierre l'Hermite "qu'il ne fallait pas aisément et légèrement s'arrêter au discours d'une fille, paysanne, solitaire, fragile et tant susceptible d'illusions, ni se rendre ridicule aux nations étrangères, et que les Français étaient assez diffamés pour la facilité de leur naturel à être dupés." Il ajoutait, s'adressant à Pierre l'Hermite : "Il serait bon qu'on fît en sorte que le dauphin jeûnât et vaquât à quelques exercices de piété, pour être éclairé du ciel et préservé d'erreurs."

Une lettre, aussi, partait à l'adresse de Charles VII, pleine de conseils de prudence. Jacques Gélu détaillait toutes les choses qui devaient rendre cette fille suspecte. Il rappelait qu'une femme avait voulu empoisonner l'empereur Alexandre.
Il lui recommandait de ne point converser seul avec cette jeune fille, de faire éplucher son esprit à personnes savantes et pieuses, de vérifier si elle ne serait point envoyée de quelque nouvelle secte et il exhortait le dauphin à la piété pour se disposer à ce qu'il plairait à son Dieu d'exécuter en ces affaires.

Et dans une lettre postérieure où il entretenait Charles VII des choses de la chrétienté et lui suggérait de faire avec le duc de Bourgogne une bonne trêve qui pourrait faire chemin à bonne paix,
il lui redisait qu'il était bien aise qu'on tint cette jeune fille dans la suspension et l'incertitude ou de lui croire ou non, et qu'il ne fallait point qu'elle eut beaucoup d'accès au dauphin jusqu'à ce qu'on fut bien certain de sa vie et de ses mœurs".

Mais tout en même temps, dans les lettres mêmes où il multipliait à Jean Girard et à Pierre l'Hermite ces conseils de réserve, il déclarait ne point douter que l'invasion anglaise qui était contre toute sorte de droit divin, naturel, canonique, civil, humain et moral, ne fût accompagnée de tant d'injustice, qu'il ne voulût espérer que Dieu, en faveur de l'orphelin et de l'affligé, n'eût à punir l'injurieuse entreprise de l'Anglais et que la justice de Dieu ne dût être exemplaire contre l'irruption de ces envahisseurs.

Et dans les réflexions pressantes qu'il adressait au dauphin Charles, il insistait, malgré tous ses avis de défiance, pour que le dauphin ne rebutât point cette jeune fille, parce que, disait-il, le bras de Dieu n'est point raccourci et qu'il se peut bien faire que l'injustice des Anglais ait irrité sa juste colère et que l'affliction du dauphin ait éveillé sa miséricorde. Et parce qu'au demeurant,
il est aussi aisé à Dieu, avec peu de forces qu'avec beaucoup, et par le bras des filles et des femmes comme par celui des hommes, de lui mettre en main les victoires.

Évidemment, du point de vue humain, Jacques Gélu trouvait bien singulier les échos du Val de Loire, son premier mouvement le portait vers la défiance. Il en est ainsi, n'est-ce pas, de tous ceux qui longtemps ont été mêlés au maniement des choses humaines. Mais il y avait aussi en Jacques Gélu un théologien accessible à certaines clartés de l'au-delà, familier avec les méthodes de l'action divine dans le jeu des choses humaines.
Ce théologien ne trouvait pas absurde, métaphysiquement parlant, qu'on pût avoir foi en Jeanne, dûment interrogée, dûment surveillée, dûment examinée.

Or cette nécessaire enquête, d'autres théologiens, en ce moment même, la faisaient à Poitiers et l'ayant faite, ils mettaient Jeanne à cheval, pour Orléans, pour Reims. Ils avaient reconnu le bon aloi de sa vocation et par leur voix de théologiens, l'Église recrutait, pour le service de la France, cette force imprévue, inattendue, qu'ils jugeaient envoyée d'en haut. Quelques semaines se passaient, et dans Embrun d'autres rumeurs arrivaient, rumeurs d'enthousiasme, rumeurs de victoire. La jeune fille énigmatique avait délivré Orléans.

Pour Jacques Gélu, désormais, il n'y avait plus d'énigme.
Jeanne était l'envoyée de Dieu au dauphin "pour être comme son Ange".

Jacques Gélu, son traité sur Jeanne d'Arc :

Le traité de Gélu s'ouvre par une lettre dédicatoire à Charles VII, reproduite ici presque en entier.

Les merveilles qui viennent de s'opérer pour l'éternelle gloire de Votre Altesse et de la maison de France retentissent à toutes les oreilles; une toute jeune fille en est l'instrument. Les doctes se partagent : les uns y voient l'effet d'une providence à part sur votre personne et sur votre race, providence qui se prolongera à travers les âges ; les autres regardent la Pucelle comme le jouet de l'esprit du mal, qui veut ainsi renverser la première des vertus, la justice, qu'ils se flattent de défendre.

Chacun devant semer dans le champ du Seigneur selon la qualité du grain dont il est dépositaire, j'ai voulu, selon mon petit avoir, jeter quelque lumière sur ce sujet.

J'offre mon œuvre à Votre Majesté comme un miroir transparent, où elle pourra contempler la fragilité de la puissance humaine, la faiblesse des potentats, alors même qu'ils commandent à un peuple fort; les immenses bienfaits que vous a gratuitement et bien libéralement départis la bénie toute-puissance, bienfaits que vous ne reconnaîtrez jamais assez.

À cette vue, que tout votre esprit, toutes vos forces, que toute votre âme se fonde en amour, en révérence, en glorification d'un Dieu, qui est si magnifique père. Croissez de vertu en vertu, pour que dans le face à face de la vision béatifique, vous lui rendiez grâce dans la patrie. C'est ce que je sollicite du plus intime de mon cœur, du miséricordieux auteur de tout bien, moi, votre indigne serviteur, naguère sur le siège de Tours, maintenant sur celui d'Embrun.

Jacques Gélu commence par dire que les premières nouvelles de l'arrivée de la Pucelle avaient produit en lui le doute, l'étonnement et qu'il en était venu ensuite à méditer devant Dieu sur les raisons de pareil événement.

Il y a vu une confirmation de la foi, une réfutation de ceux qui nient la Providence, un triomphe pour les catholiques, un titre de gloire pour la très haute maison de France, le perpétuel honneur du royaume et de ses très chrétiens habitants. C'est pour cela qu'il écrit, lui Jacques Gélu, indigne archevêque de la métropole d'Embrun, en l'année 1429, sous le pontificat de Martin V, Sigismond empereur romain, heureusement régnant.

Quelque manifeste que soit l'existence de Dieu, continue-t-il, plusieurs cependant se forment du Souverain Suprême une idée perverse et impie. Ils rapportent au destin ou au hasard les effets de sa Providence, ils nient que Dieu ait un soin particulier de l'homme et s'autorisent de cette négation pour se livrer à leurs caprices, s'abandonner à leurs passions, fouler aux pieds toute justice, toute humanité et lâcher le frein à leurs convoitises.

Le vice devient pour eux une sorte de nature : pour s'y livrer plus aisément, ils en viennent à nier le Ciel, l'Enfer, la spiritualité et la survivance des âmes, et jusqu'à Dieu lui-même...

Tel est le dernier effet des vices dans une âme qui s'en nourrit. Pour y échapper, il est nécessaire non seulement de savoir les vérités qui leur sont contraires, mais de les toucher pour ainsi dire de la main.

Or, ces vérités deviennent palpables par le fait qui se passe maintenant, fait unique, merveilleux, celui de cette Pucelle divinement envoyée au Roi. Jacques Gélu veut le mettre en lumière pour que les âges à venir ne puissent pas en douter.

Il donne en quelques lignes la cause des calamités de la France et indique les quatre litiges sortis du roi Jean : quatre fils de Charles VI ont porté successivement le titre de Dauphin. La mort l'a fait passer au dernier, le roi actuellement régnant, Charles VII. Le malheureux père fut un prince pieux et doux mais que la maladie rendait incapable de tenir d'une main sûre les rênes du gouvernement. Son frère, Louis d'Orléans, se vit disputer le droit de le suppléer, d'abord par son oncle de Bourgogne et ensuite par le fils de ce dernier, son cousin Jean sans Peur.

Jean sans Peur le fait assassiner. Source intarissable de calamités, les princes du sang se partagent entre les deux maisons. Ce sont de sanglantes séditions, d'affreux massacres où la fleur du parti d'Orléans périt égorgée par une vile multitude à la solde du duc de Bourgogne. Ce sont les Anglais qui, à la faveur de ces divisions intestines, envahissent villes et territoire. Le Bourguignon devient leur allié, leur livre la France jusqu'à la Loire et, attentat plus grand encore, sous la pression de ces deux conjurés, le dauphin Charles est exclu par son père et par sa mère de la succession au trône. Son ennemi mortel, le Roi d'Angleterre, est proclamé héritier de la couronne.

A la suite de cette indication sommaire où le meurtre de Jean sans Peur au pont de Montereau est passé sous silence, Jacques Gélu fait de l'extrémité à laquelle Charles VII fut réduit, le tableau suivant qui n'est pas exagéré :

La terreur s'était emparée de ses partisans, nobles et princes du sang. Plusieurs de ces princes faisaient hommage aux Anglais, d'autres, sous divers prétextes, lui extorquaient une partie des domaines qui lui restaient. On en voyait qui le spoliaient de ses revenus et de ses finances. Quelques-uns allaient semant dans le royaume entier des calomnies propres à le rendre odieux. Ces fléaux montèrent à un tel degré qu'il n'y avait presque plus personne qui fît cas de ses ordres. Princes et seigneurs, perdant toute espérance, se retiraient de son autorité et se déclaraient indépendants dans leurs domaines. Il était passé comme en maxime que du pays de France, chacun pouvait prendre tout ce qu'il pouvait conquérir et garder.

Le Roi était réduit à une telle détresse qu'il manquait du nécessaire, non seulement pour sa maison, mais aussi pour sa personne et pour celle de la Reine. Rien n'autorisait à penser qu'un bras d'homme pût le remettre en possession de ses États. Le nombre de ses ennemis et de ceux qui se retiraient de son obéissance croissait tous les jours et ceux qui se disaient de son parti ne lui donnaient qu'une assistance toujours plus faible.

Le Roi ne pouvait plus puiser de finances dans son propre trésor. Celles que lui fournissaient ses sujets restaient l'objet de déprédations sans fin. Abandonné, sans l'appareil convenable à sa dignité, il ne savait pas d'où pourrait lui arriver le secours.

Le Roi, dans ce dénuement de tout appui humain, dépouillé par la cupidité des siens, montrait grande patience et très ferme espérance en Dieu. Nous avons appris qu'il avait spécialement compté sur les prières et les aumônes, allant dans sa générosité jusqu'à vendre ses joyaux et le reste de sa fortune d'autrefois.

Tel est le tableau tracé par un homme que son passé et son présent initiaient parfaitement à l'état d'un prince et d'une cour qu'il avait vus de bien près, dont il avait été et restait le conseiller dévoué et écouté.

Ces œuvres de piété, continue Jacques Gélu, ont déterminé, pense-t-on, la miséricorde divine à former sur le royaume des pensées de paix et de restauration.

Le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, est venu en aide au Roi par une toute jeune fille, prise à la suite des troupeaux, que rien n'avait préparée à cette mission, ni l'habileté des maîtres, ni la conversation des hommes du métier, ni les enseignements des doctes.

Revêtue d'un costume viril, elle s'est présentée au roi, se disant envoyée par le ciel pour conduire son armée, dompter les rebelles, expulser les ennemis et le remettre en possession de ses États, œuvre merveilleuse en elle-même, rien dans celle qui l'accomplit ne la préparant à conduire pareil dessein, œuvre cependant qui n'a rien d'étonnant, si on la considère dans la puissance de Dieu, qui, s'il le veut, peut vaincre par une femme.

Par là, nous apprenons que toute puissance vient de Dieu.
L'humaine présomption est confondue, l'orgueil de ceux
qui mettent leur confiance en eux-mêmes est rabaissé,

Dieu choisit ce qui est faible pour confondre ce qui est fort.

Quoique le fait soit sous nos yeux, nous pouvons cependant entrevoir quelques-uns des motifs qui, il est permis de le croire, ont incliné la Divine Clémence à opérer ces merveilles :

1° La cause de la justice du côté du Roi : Il est le seul fils survivant du Roi Charles VI de bonne mémoire, né d'un mariage légitime et il ne s'est pas rendu coupable d'ingratitude envers ses parents. Cependant, ceux-ci trompés, séduits, effrayés l'ont exhérédé pour lui substituer son mortel ennemi, le Roi d'Angleterre, et cela contre le droit naturel, divin et humain.

2° Les glorieux mérites de ses prédécesseurs : Devenus catholiques, on n'a jamais pu les accuser d'avoir erré dans la foi. Ils ont mérité qu'on ait pu dire que seule la France a été exempte des monstres de l'hérésie. Ils ont honoré Dieu, propagé et toujours révéré la foi chrétienne et l'Église.

3° Les supplications des personnes de piété, les sanglots des opprimés, opposés à la déloyauté et à la cruauté des oppresseurs : Ces derniers donnaient parfois à leurs prisonniers de guerre du foin et de l'herbe, en guise de nourriture comme à des brutes, leur refusant les aliments durant la vie, la sépulture après la mort. Rien ne trouvait grâce à leurs yeux, ni la condition, ni l'âge, ni le sexe. Ils massacraient prélats, hommes d'église, nobles, conseillers royaux, vierges, vieillards, jeunes gens et même des femmes enceintes.

4° L'injustice de nos ennemis dénués de tout titre de quelque valeur : Comme s'ils avaient renié la foi qui défend non seulement de s'emparer du bien d'autrui, mais encore de le convoiter, ils osent bien se dire les propriétaires du sceptre et de la couronne. Cependant tout ce qui est contre la conscience est péché.

5° L'insatiable cruauté de la nation anglaise, inaccessible à tout sentiment d'humanité : Par elle, la chrétienté entière est bouleversée, bien plus, l'univers lui-même. Les ennemis de la Croix de Jésus-Christ s'applaudissent en apprenant que de telles guerres règnent parmi les chrétiens. Ils savent bien que rien ne peut amener plus sûrement notre ruine.

Cependant quelques grands que fussent ces bouleversements, nous n'avons jamais désespéré de la bonté, de la miséricorde, de la justice de Dieu. Nous répétions au Roi : l'âme raisonnable serait plutôt absente du corps d'un homme vivant que la bonté, la miséricorde et la justice du sein de Dieu. Les péchés du Roi, du peuple, de tous, ensembles, attirent de semblables fléaux.
Ils sont pour notre amendement et non pour l'anéantissement de la maison royale.

Corrigeons-nous de nos péchés, réfugions-nous vers Dieu, Il agira en notre faveur, quand nous serons convenablement disposés. Nous persuadions au Roi de se jeter dans le sein de la Divine Bonté, de se mettre entre ses mains avec toute la dévotion de son âme, et d'espérer fermement en elle, puisqu'elle est assez puissante pour relever les affaires les plus désespérées.

Jacques Gélu contre les sceptiques :

Mais étendons notre sujet. Des hommes doctes, assure-t-on, affirment que la Pucelle n'est pas l'Envoyée de Dieu, mais bien le jouet des illusions de Satan. Elle n'agit pas en vertu de la Puissance Divine, elle est l'instrument du démon.

La preuve, c'est que Dieu agit d'un seul coup, d'une manière instantanée. Il n'a pas besoin de temps pour porter ses œuvres à la perfection, Il a dit et tout a été fait, Il a commandé et tout a été créé. La Pucelle a commencé depuis longtemps son œuvre, sans l'avoir encore conduite à son dernier terme, donc, etc...

Si les œuvres que nous voyons étaient de Dieu, Il les eût accomplies par un ange et non par une adolescente, simple, élevée à la suite des troupeaux, sujette à toutes les illusions, par la nature de son sexe, et à raison même du désœuvrement d'une vie solitaire. Ce sont ces personnes que le démon a coutume de tromper, surtout dans les contrées que nous habitons, comme le prouve l'expérience. Le perfide a mille stratagèmes pour induire en erreur les hommes, dont, après sa chute, il est l'ennemi jaloux.

Le sujet proposé nous fournit l'occasion d'examiner quelques questions dont la discussion éclairera la matière.

1° Convient-il à la Divine Majesté de s'entremettre particulièrement
dans les œuvres d'un homme ou d'un peuple ?

2° Doit-elle agir par les Anges plutôt que par les hommes ?

3° Convient-il à la Divine Sagesse de confier à une Femme des œuvres naturellement réservées à l'Homme ?

4° Peut-on distinguer l'Œuvre de Dieu des œuvres de Satan, et à quels signes ?

5° Alors qu'une œuvre doit s'accomplir par disposition divine, faut-il agir sans tenir compte des règles de la prudence humaine ? ?

Les réponses à ces questions, Jacques Gélu les développe longuement et d'une manière parfois prolixe, a-t-il été dit :

1° Convient-il à la Divine Majesté de s'entremettre particulièrement dans les œuvres d'un homme ou d'un peuple ?

Dieu, créateur et conservateur de tous les êtres, prend, il est vrai, soin de chacun d'eux. Il en prend soin selon l'exigence de leur nature, mais la nature de l'homme demande une providence particulière. L'homme a plus de besoins, il est plus excellent. S'il le veut, il peut, par ses vertus et par ses dispositions, solliciter et mériter les attentions de cette Providence. Un Roi, un peuple, un royaume, qui serviront Dieu fidèlement, rendront à Dieu une plus grande gloire. Dieu, pour les récompenser, veillera avec un soin spécial sur leur sort et sur leur avenir.

À cette démonstration par la raison, Jacques Gélu ajoute de nombreux faits empruntés aux saintes écritures et il continue : Il n'est pas étonnant qu'après tant de châtiments infligés au Roi et au peuple de France, et patiemment acceptés, nous espérions que punis, amendés, revenus à Dieu, peuple et Roi vont être désormais l'objet des Divines Miséricordes. Dieu, en considération du mérite des parents, a pris un soin spécial du jeune Tobie qui n'était qu'un simple particulier. Pourquoi ne prendrait-il pas un soin pareil du Roi qui est son ministre ?

Après avoir châtié le peuple d'Israël, Dieu n'a pas cessé d'en faire son peuple. Quoi d'étonnant qu'après une correction pareille, Il daigne venir en aide au royaume de France, ce royaume toujours ferme dans la foi, pour lequel, ainsi qu'il a été exposé, de nombreux motifs semblent demander grâce et miséricorde ?

Dieu a envoyé Son Fils pour racheter le Monde… Il a voulu qu'il s'assujettisse à toutes nos infirmités, le péché excepté. Qui oserait donc dire que Son infinie Majesté déroge, en envoyant une de ses créatures arracher à la gueule de leurs ennemis un Roi et son peuple ? Nous pouvons, sauf correction, attendre semblable secours de Sa clémence et de Sa justice.

Il n'est pas vrai que Dieu accomplisse toujours ses œuvres d'un seul coup et instantanément. Il le peut, mais ne le fait pas toujours. Il a employé six jours à la création. Il n'a délivré son peuple de l'Égypte que par dix plaies successives. Les bienfaits conférés au jeune Tobie le furent dans un temps assez long pour que ses parents dans l'attente pussent s'écrier : Plût à Dieu que l'argent prêté n'eut jamais existé ! Quelquefois il agit instantanément.

Élisée aveugla instantanément les Syriens venus pour le prendre. Notre Seigneur calma soudainement la tempête. Il ne nous appartient pas de chercher pourquoi Dieu agit ainsi d'une manière différente. L'œil de notre intelligence, quand il veut pénétrer dans l'intime de Ses Œuvres, ressemble à l'œil de la chauve-souris qui voudrait fixer le soleil dans son midi.

2° Dieu doit-il accomplir ses œuvres par les Anges plutôt que par les hommes ?

Jacques Gélu s'étend longuement pour montrer qu'ordinairement c'est par les Anges que Dieu opère ses œuvres. Cependant, ajoute-t-il, Il n'est pas enchaîné par cet ordre et tout est instrument entre Ses mains, l'homme, les créatures animées et même inanimées.

Par Moïse, par David, par Judas Macchabée, Il a détruit les ennemis de son peuple. Il s'est aussi servi de Judith et d'Esther et Il a nourri Élie par un corbeau. Sa Sagesse choisit les moyens convenables aux circonstances, et toujours avec nombre, poids et mesure. Dans le cas présent, Il a été plus convenable qu'Il employât le sexe faible, une adolescente. Ainsi, Il confondait mieux l'orgueil des ennemis du roi.

Ils se confiaient dans la multitude et la valeur de leurs armées. Il n'est pas de maux dont ils n'accablassent des innocents, comme si en Dieu il n'existait ni justice, ni miséricorde, et qu'ils n'eussent rien à redouter de ses châtiments.

Dieu montre bien mieux sa puissance en dissipant ces puissantes armées par
une femme, qu'en leur opposant des armées plus nombreuses et plus aguerries.

Ils eussent été trop honorés si Dieu, pour les mettre en déroute, eut visiblement envoyé un de ses anges. Il abaisse bien mieux leur superbe en se servant d'une petite villageoise de basse condition, de parents obscurs même dans le lieu de sa naissance, livrée jusqu'alors à de vils travaux, sujette à l'illusion, ignorante, simple au delà de tout ce qui peut se dire. Heureuse confusion, elle les met sur la voie du salut…

3° Convient-il à Dieu de confier à des Femmes des œuvres réservées aux Hommes ?

À première vue, il semble bien que non. C'est une condition de l'ordre du Monde que chaque créature reste à son rang. La réserve et la pudeur interdisent aux femmes bien des choses autorisées chez les hommes. Bien plus, certaines choses excellentes ne sont permises qu'à quelques hommes. Elles sont interdites au plus grand nombre et à plus forte raison aux femmes, ainsi prêcher, sacrifier.

Nous savons par l'Écriture les terribles châtiments de Saül, d'Osa, de Josias, pour avoir usurpé les fonctions lévitiques. Nous voyons d'un autre côté, les femmes favorisées du Ciel de communications refusées aux hommes. Telles les Sybilles auxquelles Dieu a donné de grandes lumières sur l'avènement de Son fils et le Jugement Final. Gélu cite ici une trentaine de vers sur le jugement empruntés à une Sybille.

Puis, venant à la solution, il répond : tout ce que Dieu fait est bien fait.
Il a établi des lois générales, mais il ne s'y est pas astreint.

Qui donc refusera au législateur suprême un pouvoir dont ne sont pas dénués les législateurs humains ? Ils peuvent, pour de justes motifs, déroger aux lois qu'ils ont portées. Le texte de la loi est quelque chose de mort qui ne peut pas se prêter à toutes les conjonctures. Le législateur, qui est la loi animée, l'y accommode par des dérogations faites à propos. Le prince mortel est subordonné au Roi éternel et doit être son ministre.

Tel n'est pas Dieu qui est à lui-même sa règle. Sa volonté est la loi. La sagesse le dirige alors qu'il la suspend, comme lorsqu'il a ordonné aux Hébreux d'emporter les richesses des Égyptiens ou qu'il a voulu que son Fils naquit virginalement.

S'il a voulu qu'une jeune fille commandât des hommes d'armes et dispersât des armées puissantes, c'est l'ordre, puisqu'il l'a voulu. Mais outre cette raison générale, on peut en assigner de spéciales.

Les ennemis du roi sont des chrétiens et comme tels tenus à l'observation du Décalogue. Fiers de leur force et de leur puissance, ils ont cru pouvoir, au mépris de la Loi divine, dépouiller le roi de l'héritage de ses pères. C'est pour punir cette transgression, pour montrer qu'il y a auprès de lui un tribunal où les opprimés trouvent justice, que Dieu a envoyé une femme, une enfant, prise dans la plus infime condition.

Par là, tous doivent apprendre qu'il y a, en lui, compassion pour les victimes de l'iniquité, miséricorde envers les affligés ; que c'est lorsque tout est désespéré, lorsque la prudence humaine est sans ressources, que la bonté divine aime à intervenir.

Par là aussi ceux qui dans le gouvernement du monde mettent le destin à la place de la Providence sont avertis de se convertir, s'ils ne veulent pas que leur sottise les perde.

Dieu n'a pas envoyé un Chérubin ou un Séraphin ; il a voulu faire entendre aux superbes que pour renverser ce qu'il y a de plus fort, il n'avait pas besoin d'employer les puissances ultra-célestes, mais qu'il lui suffisait du plus fragile et du moins apte des instruments.

La Pucelle, par sa mission même, est autorisée à porter des vêtements d'homme. C'est plus convenable. Obligée de vivre avec des guerriers, elle a dû s'accommoder aux lois de leur discipline.

La volonté de Dieu, dont nous ne sommes pas capables de sonder les mystères, est à elle seule sa raison ; mais nous voyons ici tant de convenances, que Dieu fût-il un roi mortel, il serait facile de le justifier d'avoir confié à une jeune fille ignorante une œuvre, qui par sa nature revient aux hommes.

4° Peut-on distinguer l'Œuvre de Dieu des œuvres de Satan, et à quels signes ?

Jacques Gélu, comme il l'a fait pour les questions précédentes, commence par présenter les raisons opposées à la thèse qu'il va soutenir. Il semble qu'il est impossible de faire ce discernement :

- Les connaissances de notre intelligence dépendent des sens. Les sens n'atteignent pas les esprits. Mes yeux voient l'homme qui fait l'aumône, mais nullement l'intention qui meut la main.

- L'esprit souffle où il veut. D'où il vient, où il va, on l'ignore. Voilà pourquoi ses œuvres sont merveilleuses, le ressort en est caché.

- L'ange de Satan se transforme en ange de lumière. Témoin le prophète qu'un autre prophète invita par l'ordre de Dieu à se réconforter et qu'un lion dévora.

- Pour mieux tromper, les démons persuadent les bonnes œuvres et prennent des figures qui cachent leur laideur.

- Ils connaissent les inclinations de ceux qu'ils veulent tromper et s'y conforment.

Les objections ainsi posées, Gélu dit que la question a un double sens : Ou il s'agit de discerner les motions des Esprits en soi-même, ou dans les autres. Il répond à la question dans le premier sens fort savamment.

Certes l'homme est grandement sujet à l'erreur, Dieu seul connaît le fond des cœurs. Cependant nous pouvons, nous aussi, y pénétrer d'une certaine manière et cela par les œuvres extérieures. Les œuvres extérieures sont le reflet de l'Âme. Chacun se fait des mœurs conformément à ce qu'il est.

Ce sont ces fruits auxquels on reconnaît l'arbre. Ce que vaut la vie, la parole le montre, dit un très ancien proverbe des Grecs. Voyons-nous quelqu'un bien vivre selon son état, tenir la conduite qu'il doit y tenir. De quel droit en porter mauvais jugement ? Ce serait déraisonnable. Sans quoi il serait impossible de connaître les bons, facile de connaître les méchants. Le bien est cependant plus étendu que le mal et la connaissance de l'un plus délectable que celle de l'autre.

Comment connaissons-nous Dieu ? N'est-ce pas en contemplant Ses Œuvres, que nous nous élevons à la connaissance de leur invisible auteur ? On dira peut-être que les méchants feignent d'être bons et qu'il y a des hypocrites. Béni soit Dieu qui nous dit : Vous les connaîtrez à leurs fruits.

L'hypocrisie est un mal interne, la nature l'emportera. Il y aura éruption violente et l'on verra ce qui était dissimulé à l'intérieur.

Appliquant cette règle à la Pucelle et à ses œuvres, nous pouvons dire autant que c'est permis à la fragilité humaine :

La Pucelle et ses œuvres sont de Dieu…

Fidèle chrétienne, elle remplit ses devoirs envers Dieu, elle est pleine de respect envers les sacrements, se confesse souvent et communie dévotement.

L'honnêteté reluit dans ses paroles et dans sa conversation. Elle parle peu, évitant par là bien des péchés. Elle est sobre dans sa nourriture et il n'y a rien dans ses actes qui ne soit digne de la retenue d'une vierge. C'est ce qui nous a été rapporté.

Ce ne sont pas là des observations d'un jour, elles durent depuis plusieurs mois, ce qui aurait bien permis au mal de se montrer, s'il avait existé. Sa carrière est celle d'une guerrière et cependant elle n'a rien de cruel. Elle est miséricordieuse envers tous ceux qui ont recours au Roi, envers les ennemis qui veulent rentrer dans leur pays. Loin d'être altérée de sang humain, elle offre aux ennemis qui veulent quitter le sol français de les laisser se retirer en paix, aux rebelles de leur assurer le pardon du Roi s'ils veulent revenir à l'obéissance.

Il est vrai que ceux qui refusent ses avances, elle s'efforce de les subjuguer par la force, mais c'est sa mission. C'est le droit commun et il est entièrement d'accord avec la raison.

Il a été parlé de son costume masculin : il est réclamé par sa mission car elle vit au milieu des guerriers. Il est réclamé par les actes qu'elle doit accomplir mais c'est sans aucun détriment pour sa pudeur virginale, ainsi qu'on nous l'assure, ce que, tout bien considéré, nous croyons pieusement.

Il ne sied pas d'interpréter le bien en mal, de montrer que nous ne saurions l'admettre alors même qu'il se présente à nous avec toutes les apparences extérieures qui le caractérisent. Nous ne devons pas d'ailleurs être opiniâtres dans notre sens de manière à tomber sous la censure des écritures qui nous disent de ne pas être sages à nos propres yeux, ni nous mettre en opposition avec les sentiments des sages.

Il nous reste encore à considérer les œuvres : sont-elles de Dieu ou sont-elles de son ennemi ? Il faut en examiner la nature et la fin.

Sont-elles bonnes en elles-mêmes? Il est à présumer qu'elles viennent de Dieu, qui par nature fait le bien, tandis que par nature le démon tend à nuire et à ruiner. Si les œuvres sont de nature mauvaises, comme tuer, blesser, imprimer la terreur, il faut rechercher la cause qui les produit, la fin poursuivie.

La loi permet de donner quelquefois la mort dans le cas de légitime défense et dans une guerre juste. C'est méritoire lorsqu'il faut repousser un injuste envahisseur de la patrie. Si la guerre était toujours illicite, saint Jean-Baptiste ne se fût pas borné à dire aux soldats de se contenter de leur solde. La fin de la guerre, c'est la Paix, bien souverainement désirable.

Faisons l'application de ces principes. Notre Roi était dénué de tout secours, il a plu à Dieu de lui venir en aide par la Pucelle. Elle avertit les ennemis qu'ils sont sans titre en France et qu'ils accablent des innocents. Elle leur propose de rentrer dans leur pays, leur promettant qu'ils ne seront pas inquiétés. Elle presse les révoltés qui se sont mis de leur côté de revenir à leur souverain légitime, leur garantissant le pardon. Tous ces actes sont raisonnables. Ennemis et sujets révoltés ne se rendent pas à cette sommation ; il y a là cause d'une juste guerre.

Ce qui est juste de la part du Roi est méritoire de la part de ceux qui le secourent et le soutiennent. Tuer et faire tout ce que comporte la guerre sera donc juste parce que le droit à la fin emporte le droit de faire ce qui est indispensable pour l'obtenir.

Nous supposons cependant que ceux qui commettent ces actes sanglants ne sont pas sans compassion pour ceux qui en souffrent. C'est le juge qui condamne, non par férocité, mais par justice.

Les actes mentionnés, quoique étant par nature de ceux qui sont communément mauvais, ne le sont pas dans l'espèce. Bien plus, ils sont bons car ils sont ordonnés pour le bien. L'on ne doit donc pas dire qu'ils sont opérés par l'intervention des esprits mauvais, il faut les attribuer à Dieu auquel il appartient de faire justice en punissant les méchants et en récompensant les bons, d'exercer la, miséricorde, en subvenant aux désolés et aux opprimés.

5° Alors qu'une œuvre doit s'accomplir par disposition divine,
faut-il agir sans tenir compte des règles de la prudence humaine ?

- Répondre que non semble contraire à la défense qui nous est faite de tenter Dieu. L'homme ne doit pas abandonner à Dieu la conduite d'une affaire sans s'y employer lui-même de tout son pouvoir. C'est ce que nous enseigne la Sainte Écriture et le monde physique lui-même où la semence ne donne des fruits abondants qu'à la suite de la culture qui en est faite.

- Sans cela Dieu semblerait avoir inutilement donné à l'homme ses facultés. La liberté de notre arbitre serait blessée. Nous avons l'obligation de considérer le rapport des moyens avec la fin et de nous livrer pour cela à de longues réflexions. Ce ne sont pas tant les gémissements et les supplications des femmes que les combinaisons et les actes des hommes qui attirent le secours de Dieu. Quand Dieu confie une affaire, Il nous charge de chercher les moyens de la faire réussir. Aussi les Israélites, ayant mission de conquérir la terre de Chanaan, se firent précéder par des explorateurs.

- C'est vrai principalement lorsque l'Œuvre à accomplir demande un laps de temps et doit se réaliser successivement. C'est le cas car la Pucelle ne peut pas occuper simultanément et au même instant toutes les parties du royaume. Il faut donc considérer les occurrences, choisir le point où l'attaque doit être portée, où il faut appliquer les machines, s'approvisionner de vivres, etc. Ce qui semble être remis à la diligence du mandataire.

- Les mesures bien prises viennent de Dieu, qui a confié la fin. Elles ne sauraient par suite être contraires à Sa volonté. Le bien n'est pas plus contraire au bien que le vrai ne l'est au vrai. Dieu, donc, en confiant une Œuvre n'interdit pas d'y employer les moyens de la prudence humaine.

- Lorsque Dieu remet à quelqu'un la conduite d'une affaire, d'un événement, il faut accueillir cette disposition avec grande piété, reconnaissance et s'y conformer le plus possible, sans lui résister en aucune manière. Il veut mettre en mouvement Sa bonté, Sa tendresse, Sa miséricorde, Sa justice, plus que les moyens naturels. Il ne faut donc, à notre avis, nullement s'opposer à la volonté du commissaire divin, mais lui obéir entièrement, surtout en ce qui regarde les points essentiels de son mandat ou du fait qu'il doit réaliser.

Il est vrai qu'avant d'admettre quelqu'un comme envoyé du ciel, il faut d'abord bien éprouver quel esprit le conduit, ainsi que fit Josué. Ce n'est pas à la légère, ni sans des motifs de grand poids et après mûre délibération, qu'il faut au commencement se mettre sous sa conduite. Mais lorsque, après examen, il est prouvé, autant que c'est possible à l'humaine fragilité, que c'est sur l'ordre de Dieu que l'on s'est engagé, il faut, selon nous, suivre la voie qui vient d'être indiquée. Saül, pour n'avoir pas obéi à l'ordre de Dieu transmis par Samuel, perdit son royaume, quoiqu'il ne crût pas mal agir.

Le roi, s'il n'obéit pas à la Pucelle, pour s'appuyer sur la prudence humaine, doit craindre, même alors qu'il croirait bien faire, d'être abandonné par le Seigneur, de ne pas obtenir ce qu'il souhaite, et de voir ses désirs frustrés.

- Quelque doute vient-il à surgir sur ce qui a été confié à celle que la piété nous porte à regarder comme l'Ange du Dieu des armées pour la délivrance de son peuple et le relèvement du royaume ! Il faut s'en rapporter à la Sagesse Divine plus qu'à la sagesse humaine. Il faut croire que cette sagesse inspirera à son envoyée ce qui doit être fait, bien mieux et plus utilement que ne pourrait le découvrir la prudence humaine.

- Les passions des hommes sont diverses, les uns par crainte de déplaire, les autres pour conserver leur état, ceux-ci par des intérêts de fortune, ceux-là pour monter plus haut, d'autres par d'autres considérations peuvent être détournés du vrai.

La Divine Volonté et la Divine Sagesse ne peut pas plus nous tromper
qu'être trompée, le propre de sa nature étant de bien faire et de faire du bien.

Voilà pourquoi nous conseillerions qu'en semblable matière, avant tout, l'on demandât l'avis de la Pucelle. Alors même qu'il nous paraîtrait peu vraisemblable, si elle était constante dans ses affirmations, nous voudrions que le Roi s'y conformât comme à un avertissement inspiré par Dieu pour l'exécution de la mission confiée.

Pour ce qui est des préparatifs des expéditions : machines de guerre, ponts, échelles, et semblables attirails, pour ce qui est des approvisionnements en rapport avec le nombre des soldats, pour la manière de se procurer des finances, pour l'extérieur de l'entreprise et les autres choses sans lesquelles elle ne pourrait se prolonger que par le miracle, nous serions assez d'avis qu'il faut y pourvoir par voie de la prudence humaine, conformément aux raisons données au commencement de cette cinquième question.

Mais lorsque la Sagesse Divine veut agir principalement par elle-même,
la prudence humaine doit s'anéantir, s'humilier, ne rien entreprendre,
ne rien vouloir, ne rien faire, qui puisse offenser l'infinie Majesté.

Voilà pourquoi nous disons que c'est le conseil de la Pucelle qui doit être demandé, cherché principalement et avant celui de tous les autres. Celui qui donne à l'être, donne tout ce qui en découle, et celui qui confie une mission à accomplir, donne tout ce sans quoi elle ne pourrait aboutir.... Espérons donc que le Seigneur, faisant sienne la cause du Roi, inspirera tout ce qui est nécessaire pour que la Pucelle arrive au terme souhaité, ne laissant pas Ses Œuvres imparfaites.

Nous serions encore d'avis, que chaque jour, le Roi fît quelque œuvre particulièrement agréable à Dieu, qu'il en conférât avec la Pucelle et qu'après avoir connu son sentiment, il le réduisît en pratique, en toute humilité et piété pour que le Seigneur n'ait pas de motif de retirer Sa main mais bien de continuer Sa grâce. Le propre de Sa nature, c'est la miséricorde et la clémence tant que nous ne nous rendons pas indignes de Son pardon.

Que devant la Divine Majesté, courbe son front et fléchisse les genoux la douce humilité du roi mortel et qu'il seconde les dispositions du bon Vouloir Divin car c'est son devoir. Il apaisera ainsi celui par qui règnent les Rois, à qui soit honneur et gloire dans les siècles éternels, Amen, Amen…

Conclusion :

Tel est le traité de l'archevêque d'Embrun. Il respire la foi, la piété, un inaltérable dévouement au Roi et à la cause française. Si les conseils par lesquels il se termine avaient été suivis, il est permis de croire que la délivrance du royaume de France eut été avancée de vingt ans, et que bien d'autres événements heureux s'en seraient suivis.

Mais l'homme a le terrible pouvoir d'empêcher les plus grands
Bienfaits dont la libéralité divine veut pourtant le combler.

L'archevêque d'Embrun ne vit jamais la Pucelle. Il n'en parle que sur les nombreuses relations qui lui ont été faites.

Ce fut là pour Jacques Gélu, successeur de saint Martin sur le siège de Tours,
Successeur de saint Marcellin sur le siège d'Embrun, une gloire incomparable.

Car son témoignage en faveur de Jeanne d'Arc fut tout autre chose qu'un subtil et savant propos de spectateur lointain. Ce témoignage fut un acte, un de ces actes qui influent sur l'histoire elle-même, un de ces actes qui, si Charles VII n'avait pas écouté d'autres voix que celle de Jacques Gélu, auraient avancé d'une vingtaine d'années la libération définitive de la France.

Texte reprenant divers écrits glanés sur le Net…

Mais d'Embrun à Névache, quel intérêt ?

À la suite de l'aventure de Jeanne d'Arc qui n'est relaté que par des hommes, Pierre est convaincu que des personnes surtout des femmes ayant un certain pouvoir, ont voulu créer un espace propice à l'émergence d'une seconde Jeanne d'Arc dans le seul but d'apporter la Paix et l'Amour…

"Je ne sais pourquoi je vous dis cela, mais vous devriez aller visiter la cathédrale d'Embrun !!!"

C'est ce que lui avait dit un organiste qui s'entrainait dans la petite église de Névache, le 24 août 2009 en vue d'un concert… Pierre y est allé le lendemain matin, de bonne heure, mais il a dû attendre car la cathédrale n'était pas encore ouverte. C'est pendant cette attente qu'il a découvert l'existence de Jacques Gélu, archevêque d'Embrun de 1427 à 1433 et qu'il a voulu comprendre pourquoi cet homme avait pris la défense de Jeanne d'Arc avec une telle force, apparemment à contre-courant de tous.

Peu à peu, Pierre en est arrivé à la conclusion que l'étonnante transformation du vieux fort de Névache alors squatté par une communauté mixte d'Antonins qui vivaient là pour prier et soigner les malades, a été soigneusement décidé par de grandes dames de la noblesse française, savoyarde et milanaise dans la seule intention de faire revenir une autre Jeanne qui viendrait rendre justice aux femmes.

Est-ce Jacques Gélu qui a initié cette idée ? Il est parti deux ans après la soi-disante condamnation de Jeanne d'Arc et ses nombreuses lettres ont certainement touché le cœur d'autres personnes que le Roi Charles VII, trop faible… Serait-ce son épouse, Marie d'Anjou, qui aurait entamé un long travail de reconnaissance envers une femme merveilleusement guidée sur le plan spirituel, travail qui aurait été poursuivi par plusieurs Reines de France, Charlotte de Savoie épouse de Louis XI, Anne de Bretagne épouse de Charles VIII, plus tard seconde épouse de Louis XII, Jeanne de France première épouse de Louis XII, ces deux femmes ayant chacune créées un ordre religieux pour les femmes, l'Ordre de l'Annonciade et l'Ordre de la Cordelière…

Quel rôle a joué Louise de Savoie qui épousa François 1er et qui assura la régence pendant les deux campagnes d'Italie du Roi à l'époque de la transformation du fort ? De plus, la consécration de cette église daterait de 1537, du temps d'Éléonore d'Autriche, et le Retable aurait été terminé en 1553, du temps de Catherine de Médicis.

Le blason de la commune de Névache a été créé à partir du blason bleu azur fleurdelisé des Rois de France sur lequel le symbole de l'Ordre de la Cordelière, deux clefs croisées reliées par un cordon, a été apposé, forcément par Anne de Bretagne, plaçant cette commune sous protectorat royal, un protectorat discret certainement mais très efficace. Au XVIème et XVIIème siècle, jamais l'inquisition catholique pourtant très active en cette période de schisme religieux, pour ne pas dire très meurtrière, sur Briançon et sa région, jamais elle n'est venue dans cette vallée fermée... Pourquoi ?



© Pierre pour CROIX de LUMIERE. . .





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